Traditions et mystères de Noël en Alsace 2/3
Deuxième chapitre : La veillée de Noël et Noël
Aujourd’hui, Noël est une date clé dans le calendrier pour les fêtes de famille et les cadeaux pour les enfants. Mais Noël est avant tout une fête religieuse chrétienne majeure qui célèbre la naissance du Christ. Et bien avant cela, il existait déjà des rites anciens autour du solstice d’hiver. Bref, ce que l’on considère actuellement comme un « Noël traditionnel » est en réalité un sacré bouillon de culture !
Un Noël très ancien en Alsace
L’histoire et la culture singulière de cette région, aux influences diverses, donnent une place très importante à cette période de Noël. De nombreux rituels (parfois curieux), transmis de génération en génération sont encore pratiqués activement aujourd’hui. Même s’il faut reconnaitre que ces traditions sont elles aussi, rattrapées par un aspect commercial de plus en plus présent : « Noël en Alsace » est devenu un produit. Mais c’est un autre débat 😉
Si vous pensiez tout savoir sur les origines et les traditions de Noël, vous risquez d’être bien surpris en lisant la suite de cet article !
« Noël » c’est le 25 décembre et la « veillée de Noël » le 24.
C’est l’aboutissement de toute une période préparatoire que l’on appelle « l’Avent » (déjà abordée dans un premier article TECHblog). C’est aussi la transition vers une autre période magique qu’est le cycle des douze jours.
La nuit du 24 décembre : nuit étrange
Le Christkindel
Certainement l’un des personnages les plus étranges du Noël alsacien. Il apparait après la Réforme au 16è siècle pour remplacer le Saint-Nicolas dans sa mission de distribution de cadeau aux enfants. On le retrouve donc soit le 6 décembre accompagnant Saint-Nicolas, soit la veillée de Noël accompagné par Hans Trapp (Père Fouettard) et Birckeresel (un âne à bec !). Littéralement, le « Christkindel » veut dire « l’enfant Christ », vous imaginez donc certainement un bébé distribuant des cadeaux ?
Et bien non. Le Christkindel prend les traits d’une jeune fille aux cheveux long habillée de blanc et coiffée d’une couronne de l’avent avec 4 bougies allumées ! L’origine supposé de cette étrange apparence serait une (con)fusion entre l’enfant Jésus et Sainte Lucie (Lux, lucis, désignant la lumière), mais aussi la déesse-mère primitive des gaulois volant dans les airs pour regagner l’autre monde au solstice. Le passage du Christkindel à la maison est un moment, à la fois attendu pour les cadeaux et craint à cause du terrifiant Hans Trapp qui emporte les enfants pas sages dans son sac.
Le Hans trapp est inspiré d’un ancien seigneur brutal de Wissembourg, mais aussi de l’homme sauvage, personnage mythique de la culture germanique. Le Birckeresel est lui aussi bien curieux, puisque c’est un homme déguisé en âne avec un masque à bec, portant une cloche, un gourdin et un lourd sac de pommes ! Au niveau cadeau, le Christkindel ne connaissait visiblement pas les magasins de jouet et se contentait de jeter quelques noix et noisettes aux enfants. Peut-être aussi des oranges pour les enfants exemplaires, mais ça reste quand même assez radin de sa part.
La nuit du 24 décembre : nuit sainte et magique
La bûche de Noël
Vous connaissez certainement cette pâtisserie incontournable de Noël. Son origine est moins gourmande mais véritablement magique ! Traditionnellement, toute la famille se rendait à l’église pour la messe de minuit. Avant de partir on choisissait une grosse buche qui devait se consumer lentement durant toute la messe pour garder la maison chaude et retrouver quelques braises au retour.
Les enfants la décoraient de houx et de baies sauvages. On l’aspergeait de vin ou d’eau bénite avant de la mettre dans la cheminée. Au retour, on recueillait les cendres pour 2 usages magiques. On pouvait les disperser dans les champs avant l’Epiphanie pour obtenir de meilleures récoltes. Ou les conserver au grenier pour se protéger des orages, des tempêtes et des incendies.
La rose de Noël
Aujourd’hui, l’appellation « Rose de Noël » concerne plus fréquemment le Poinsettia qui est une magnifique plante d’intérieure fleurissant en hiver. Dans des temps plus anciens et principalement dans le vignoble alsacien, une rose de Noël (Rose de Jéricho) était une plante, certes moins jolie mais disposant de pouvoir divinatoire. Elle était transmise de génération en génération. Conservée toute l’année dans une boite, la rose ressemble plus à une bruyère séchée et recroquevillée sur elle-même. On la disposait dans un récipient avec de l’eau, avant de se rendre à la messe de minuit. Au retour, le miracle redonnait vie à la plante, reverdissant les branches et ouvrant la plante à nouveau. L’état d’avancement de la plante annonçait la qualité des récoltes/vendanges à venir.
L’eau sacrée
Un moment à ne pas rater, puisque pendant les 12 coups de minuit, l’eau des ruisseaux et des fontaines étaient sacrée. On récupérait autrefois un maximum de cette eau pour la donner à boire au bétail et le protéger des maladies. On en gardait aussi dans une petite fiole à la maison pour se préserver des épidémies.
Voir des sorcières
Pour voir des sorcières durant la messe de minuit, il fallait se munir d’un trépied ou d’un tabouret fait de 9 essences de bois et s’installer au fond de l’église. On voyait alors les sorcières qui tournaient le dos à l’autel. Je n’ai pas eu l’occasion de tester la technique, je compte sur vous pour me faire des retours.
Au retour de la messe, la veillée de Noël commençait à la maison en famille avec un repas de fête, les chants et les danses. Le 25 décembre est traditionnellement consacré à la famille. C’est aussi le début de la période mystérieuse du cycle des douze jours … mais ça, c’est une autre histoire à découvrir dans un prochain article.
Lien vers l’article de l’AVENT, premier chapitre consacré à Noël