Gisèle et la force de son engagement
Aujourd’hui Gisèle est une jeune retraitée qui donne du temps à sa famille et profite de sorties tranquilles avec son mari. Mais, ne vous fiez pas aux apparences, cette hyperactive chronique n’a pas totalement raccroché son tablier. Elle est, depuis une bonne trentaine d’années déjà, la cuisinière officielle du club de football FC Rossfeld. Et croyez-moi, cette mission n’est pas de tout repos, même pour cette dynamique sexagénaire.
Mais au fait, comment Gisèle est-elle tombée dans le Foot ? Et pourquoi cette mission est-elle si importante pour elle encore aujourd’hui ? Vous allez découvrir les dessous surprenants de son histoire de vie faite de “heureux hasards” et de rencontres improbables. Et surtout, vous allez découvrir le sens que donne cette “femme de caractère” au mot : engagement. Bref, c’est l’histoire de Gisèle.
Gisou, c’est l’ancienne de chez Pearl
« Ça a été difficile au début” me confie Gisèle. Le contraste entre l’activité intense du poste qu’elle occupait chez Pearl et sa vie de retraitée aujourd’hui est assez énorme. Ceux qui l’ont connue dans les allées du stock, peuvent témoigner que “Gisou” avait le nez partout. Il faut dire qu’avec ses 20 années d’ancienneté, elle connaissait bien sa boîte. Elle était un maillon essentiel du SAV (Service Après-Vente) et gérait les retours clients.
Évaluer les appareils, remplacer, reconditionner, renvoyer les colis faisaient partie de ses missions. C’est un travail rigoureux qui demande aussi beaucoup de polyvalence. Elle participait aussi plus généralement au bon fonctionnement du stock, de l’emballage, de la saisie et des envois pour renforcer les équipes en fonction de l’activité du site. C’est cette variété des missions qu’elle aimait bien chez Pearl et aussi une certaine forme d’autonomie puisqu’elle gérait son emploi du temps. Pas besoin de chef pour Gisèle, elle repérait d’elle-même les priorités du moment. Et lorsque son travail était fait, elle aidait systématiquement les autres.
“La maman Pearl”
C’est un peu son travail qui lui manque, mais c’est surtout l’équipe. “Pendant plus de 20 ans vous partagez vos gloires professionnelles et personnelles mais aussi vos déboires avec vos collègues et un jour, tout ça se termine” me dit Gisèle. “C’est comme une famille que l’on quitte”. Au travail, Gisèle voyait tout, Gisèle savait tout, Gisèle râlait souvent, Gisèle ne se retenait pas de dire ce qu’elle pensait assez rapidement et fortement … mais Gisèle t’aidait, Gisèle te sauvait et Gisèle trouvait des solutions pour que ça tourne rond. Si bien que pour beaucoup de ses collègues, Gisou est devenue la “Maman Pearl”. Aujourd’hui encore, Gisèle garde le contact et passe très régulièrement faire un coucou à ses enfants, euh… ses anciens collègues. On n’efface pas facilement une aventure professionnelle aussi intense.
L’improbable départ – part.1
Vous connaissez maintenant la fin de la carrière de Gisèle, alors revenons un peu en arrière pour y découvrir une belle pépite. Gisèle a commencé à travailler à l’âge de 16 ans. D’abord, comme vendeuse dans une boutique puis très rapidement à l’usine BASF. Elle était opératrice sur une chaîne de montage de cassettes audio puis VHS (seuls les anciens connaissent). Son job lui plaisait bien, elle y a passé 9 années. Mais le rythme de travail est passé aux 5×8. Alors, pour continuer de s’occuper de ses enfants, elle a changé d’emploi. Elle ira travailler ensuite chez EKS pour le conditionnement des balances mécaniques et électroniques pendant 12 ans, jusqu’à la fermeture de l’usine.
Elle répond ensuite à une annonce pour un poste d’assembleuse d’ordinateurs chez PEARL. C’est assez culotté de sa part. Gisèle ne savait pas à quoi ressemblait une carte mère à l’époque. Mais le côté méticuleux et rigoureux de Gisèle inspire confiance. Au bout d’un mois de formation, Gisèle assemblait des centaines de PC. Elle donnait ensuite des coups de main au stock et la suite de l’histoire vous la connaissez. Bref, si vous voulez des conseils pour installer un processeur ou changer la RAM de votre PC, demandez conseil à Gisou. Mais il n’y a pas que le boulot dans la vie de l’infatigable Gisèle …
La TOP CHEFFE du Club House
Si un jour vous chaussez les crampons au sein du FC Rossfeld, vous risquez d’être surpris par l’ampleur de la 3e mi-temps du jeudi soir. Rossfeld est une commune alsacienne située entre Strasbourg et Sélestat. Elle ne compte que mille habitants environ mais, accueille un club de football réputé avec une vingtaine d’équipes et plus de 220 licenciés. Le club cultive les valeurs du sport mais aussi, une certaine forme de convivialité. Après les entraînements du jeudi soir, le terrain se vide et le club house se remplit. C’est la fameuse troisième mi-temps qui commence vers 21h30 avec l’apéro. Si certains clubs s’arrêtent à cette étape, le FC Rossfeld va plus loin en proposant un véritable repas. Et c’est là qu’intervient notre Gisèle …
L’improbable départ – part.2
Gisèle n’est pas une cuisinière professionnelle. Elle s’est bien entendu occupée de sa famille avec ses 3 enfants. Mais, on est très loin des 40 à 60 couverts qu’il faut gérer au Club House. Gisèle n’est d’ailleurs même pas particulièrement fan de foot ! Alors quelle mouche a piqué Gisèle pour se lancer dans cette aventure ? Un jour, elle est simplement venue donner un coup de main à des amis en cuisine. Elle a d’abord fait le commis quelques temps. Et puis la personne qui s’occupait des repas lui a transmis le tablier de chef. Elle ne se voyait pas refuser, tant elle adore ce moment de convivialité. Pour elle, ce repas, c’est le ciment du club. C’est ce qui fait la cohésion du groupe et c’est cet esprit d’équipe qui caractérise le FC Rossfeld. Cela fait maintenant 30 ans que Gisèle cuisine pour les “garçons”.
Le jeudi, c’est sa journée
Pour faire ce repas, Gisèle gère sa cuisine comme une pro. Il faut trouver tout d’abord des idées de repas qui plaisent et des recettes réalisables sur place. C’est ensuite le moment des courses avec des quantités qu’il faut estimer pour un grand nombre de convives. Sur ce point Gisèle aime toujours en avoir un peu plus, puisqu’elle anticipe le deuxième service pour les plus gourmands. Pour de simples spaghettis bolognaises vous remplissez vite un chariot : 15 kg de viande hachée, 8 kg de pâtes, 3 kg de gruyère et tout le reste. Il faut ensuite tout préparer et Gisèle s’entoure de 2 fidèles amis et de son mari pour en venir à bout. Selon les repas ou la saison, le travail de préparation est plus ou moins long. Pour des bouchées à la reine, ça commence dès le matin, pour les BBQ ou les paellas de l’été c’est plus facile à gérer.
A table !
Lorsque le repas est prêt vers 22h, Gisèle donne le signal pour se mettre à table et tout le monde s’exécute. Avec son caractère, elle a rapidement su s’imposer même face aux plus fortes têtes de l’équipe. Les histoires, les débrifs et même les réunions attendront. Maintenant, c’est le repas ! Gisèle adore l’ambiance de son club. Tout le monde se dit bonjour, les nouveaux sont bien accueillis et les anciens sont respectés. C’est devenu une vraie famille pour elle. Elle sait qu’un jour, elle transmettra elle aussi son tablier, mais le plus tard possible…
Par contre, depuis toujours, ce n’est pas elle qui assure la vaisselle. Au début, il y avait un roulement et puis aujourd’hui ce sont les cartes de tarots qui désignent les 3 victimes qui seront à la plonge. Le repas se termine dans le meilleur des cas vers 1h du mat’ et parfois plus, avec d’interminables parties de tarot si le lendemain est férié. On comprend mieux pourquoi Gisèle est toujours un peu plus fatiguée le vendredi matin.
Tout au long de l’année
En plus du repas du jeudi durant la saison des matchs, Gisèle est souvent sollicitée par le club pour de nombreux événements. Il y a par exemple certaines manifestations, autrefois les fêtes de Noël, les soirées de Nouvel An, les journées “Beach Soccer” (Foot sur sable) suivies des « Beach Partys », aujourd’hui les balades gourmandes organisées par le club et enfin les stages « Foot Vacances ». Ces derniers sont organisés depuis des années (1999) pour l’initiation et le perfectionnement des jeunes de 5/15 ans. Gisèle a longtemps dû poser des congés pour pouvoir assurer les repas de midi et le repas de la soirée de clôture. Elle était très présente lorsque ses enfants y ont participé. Elle a cédé sa place ces 10 dernières années, mais grâce à la retraite, elle est de nouveau disponible pour aider.
Une histoire de famille
Vous pensez bien qu’en passant autant de temps dans un club qui devient votre famille, votre propre famille se retrouve vite intégrée au club. Gisèle a eu trois enfants, 2 garçons et 1 fille. Ils gravitent toujours autour du foot à Rossfeld. Lionel et Victoria entraînent une équipe de jeunes alors qu’Alexis a intégré le staff technique du FCR. Aujourd’hui ce sont ses petits-enfants que Gisèle accompagne aux entraînements et aux matchs.
Mais, il y a aussi l’homme de sa vie, son mari, Charles qui lui aussi s’est impliqué profondément dans ce club. Il en est aujourd’hui le président (depuis 25ans). “42 ans de mariage, c’est un aussi un engagement alors c’est important de partager des activités ensemble pour que cela dure. Certes, il faut faire des concessions mais, on prend tellement plaisir à voir ce que l’on a pu réaliser ensemble » me confie Gisèle. Avec le temps, Gisèle et Charles sont devenus des piliers du FC Rossfeld. Ils font vivre le sport, mais aussi les traditions conviviales si particulières du club qui créent et entretiennent des amitiés profondes.
Une qualité précieuse
On connaît tous les “oui, mais” qui nous excuse, les “oui, si je peux”, “oui, si j’y pense” qui mettent des conditions et les “ouais, ouais” qui ne tiennent pas la route. Mais, lorsque Gisèle dit “oui”, c’est un engagement ferme. C’est plus fort qu’elle. Elle l’a vécu durant toute sa carrière professionnelle en mettant son travail et ses collègues au-dessus de sa santé et de son confort personnelle. Dans ses loisirs, elle le prouve, encore aujourd’hui, avec le foot en s’impliquant à fond dans une mission contraignante qu’elle a appris à aimer avec le temps. Elle l’a toujours pratiqué au sein de sa famille en faisant d’elle sa priorité dans sa vie et son propre bonheur.
La force de l’engagement de Gisèle est une source d’inspiration qui mérite d’être partagée avec vous chers lecteurs et lectrices. Si nous gardons la liberté de dire “non” et de ne pas se laisser marcher sur les pieds, le fait de prononcer un “oui” nous engage tout entier. Loin d’une abnégation, c’est peut-être bien une clé du bonheur que nous donne Gisèle.